L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s'attend à un niveau élevé de non respect du plafond de soufre de 2020, en particulier au cours des premières années d'application. Quoi qu'il en soit, les groupes pétroliers sont à la manoeuvre. Exxon, Shell et Total s'agitent ...   

Dans un scénario récemment publié, l'OPEP estime à 70 % la part des armateurs qui se conformeront à la réglementation Marpol sur la teneur en soufre des carburants marins (à 0,5 % en 2020 contre 3,5 % jusqu'à présent), que ce soit en équipant leurs moteurs de systèmes d'épuration des gaz d'échappement (scrubbers) ou en optant pour des carburants à faible teneur soufrée, comme le MGO ou LSFO. L'OPEP s'attend donc à ce qu'il y ait 30 % qui soient hors-loi.

L'organisme rejoint ainsi la cohorte de ceux qui soutiennent que les alternatives pour se conformer aux nouvelles règles ne seront pas disponibles à temps, des technologies réellement opérationnelles, des points d'avitaillement en quantité suffisante et les coûts clairement analysés étant autant de contraintes susceptibles de retarder la mise en oeuvre. Les solutions techniques - le passage d'un carburant à l'autre, la faible pénétration des scrubbers ... - devraient rendre les armateurs attentistes, suppose l'OPEP. En début d'année 2018, moins de 500 navires avaient installé ou commandé des épurateurs. D'ici 2020, l'OPEP s'attend à ce que ce nombre atteigne 2 000 navires, puis 4 500 à 5 000 à moyen terme.

Bénéfique pour le marché des pétroliers ?

Selon le bureau d'analyses spécialiste Poten and Partners, les raffineurs disposent d'une certaine souplesse pour "maximiser la production de distillats moyens et de LSFO" mais ils ne le feraient "qu'en fonction d'incitations financières et d'une demande actée, et non pas en anticipation." Selon l'OPEP, la réglementation pourrait dynamiser "les importations et les exportations de pétrole brut en provenance de l'Amérique du Nord et sera bénéfique pour le marché des pétroliers". L'Organisation prévoit notamment une augmentation (temporaire) de la demande de pétrole brut de 0,4 million de barils par jour (b/j) en 2020. "Cependant, il est important de mettre en garde contre un excès d'optimisme. Cette augmentation de 400 000 b/j est basée sur de nombreuses hypothèses et, même si elles sont toutes mises en place, elle peut être neutralisée si les propriétaires ne commandent que dix VLCC supplémentaires", prévient Poten.

Exxon, Shell et Total à la manoeuvre 

En attendant, les manoeuvres sont à l'oeuvre ... ExxonMobil a indiqué qu'il dispose déjà d'un carburant résiduel à faible teneur en soufre de 0,5 %, et s'est engagé à ce que ce carburant soit disponible à Anvers, Rotterdam, Gênes, Marseille, Singapour, Laem Chabang et en Amérique du Nord, à temps.

Shell développe également une gamme d'options en matière de carburant, y compris un réseau mondial de stations GNL. En novembre 2017, le groupe pétrolier signait avec Carnival Cruise Line un accord portant sur la fourniture en GNL de deux paquebots en cours de construction en Finlande, dont les livraisons sont prévues en 2020 et 2022. Le géant anglo-néerlandais des hydrocarbures vient en outre d'annoncer son investissement, aux côtés du groupe malaisien Petronas (25 %), du chinois PetroChina (15 %), du japonais Mitsubishi (15 %) et du sud-coréen Korea Gas Corp (5 %), dans le projet de GNL à Kitimat (Colombie-Britannique) au Canada que le premier ministre canadien Justin Trudeau a qualifié de plus important investissement privé de l'histoire (27 Md€) de son pays.

La construction des infrastructures - une usine de liquéfaction du gaz naturel, un oléoduc et un terminal maritime -, doit débuter dès cette année avec une mise en service envisagée à horizon 2024. L'objectif est d'acheminer du GNL en Asie à un coût moindre que celui en provenance du Golfe du Mexique aux États-Unis qui doit, lui, traverser le canal de Panama. Dans un premier temps, l'installation produira 14 Mt par an. Ce projet est emblématique du virage vers la production de gaz naturel opéré par le groupe depuis le rachat du britannique BG Group. Shell précise que l'investissement dans LNG Canada s'inscrira dans son enveloppe de dépenses en capital comprise entre 25 et 30 Md$ par an.

Total Marine Fuels, filiale du groupe Total spécialisée dans les opérations de soutage internationales, fait valoir depuis quelque temps déjà que certaines de ses raffineries seront en mesure de produire du fuel avec un taux de soufre à 0,5 %. La société est en outre partenaire de CMA CGM et de Costa Croisières pour la fourniture de GNL. En novembre 2017, le groupe Total a officialisé la reprise des participations d'Engie dans les usines de liquéfaction, les contrats d’achat et de fourniture de GNL, ainsi que les droits de passage dans les terminaux de regazéification. Moyennant 1,48 milliard de dollars, le groupe s'est hissé au statut de deuxième opérateur mondial du GNL avec 10 % du marché, revendiquait alors Patrick Pouyanné, Pdg de Total. Avec les actifs d'Engie, le groupe empoche également Gazocéan et sa flotte de 11 méthaniers et surtout l’Engie Zeebrugge, premier ravitailleur au monde en exploitation avant celui de Shell...

 

--- Adeline Descamps ---