Découpage de la première tôle pour le futur voilier-cargo neuf de Towt.

L’armateur havrais, un des pionniers de la voile marchande en France, devrait réceptionner dans un an son premier navire neuf. La mise en construction de ce cargo d’un genre particulier a été rendue possible par un dispositif financier innovant tandis que la société s’appuie sur un actionnariat composé d’acteurs du secteur maritime.

Le 27 septembre dernier, au chantier Piriou de Giurgiu, en Roumanie, a débuté la construction d’un nouveau voilier français avec la découpe de la première tôle. Pour TransOceanic Wind Transport (TOWT), affréteur de vieux gréements depuis 2011 pour le transport de marchandises, c’est un changement d’échelle et le passage au statut d’armateur qui se profile. La compagnie maritime, née à Douarnenez, a passé commande de son premier voilier-cargo à Piriou en janvier 2022. En août dernier, l’entreprise enclenchait sur une deuxième commande, toujours auprès du chantier concarnois. D’une capacité de 130 EVP ou 1 200 palettes, les deux sisterships, d’une longueur de coque de 69 m (80 m hors tout) pour une largeur de 12 m, devraient être livrés fin 2023 pour le premier, début 2024 pour l’autre.

« Le calendrier est tenu », se félicite Guillaume Le Grand, fondateur de l’entreprise. « Depuis que nous sommes installés au Havre, en 2020, les choses se sont accélérées. Nous sommes installés à bord à quai, dans le premier port de France, bénéficiant d’une logistique fluviale pour décarboner les flux ». Un signal envoyé au marché.  

L’entreprise, née à la pointe de la Bretagne, s’y est installée en raison de la proximité de Paris, centre de décision capital, mais aussi pour des raisons commerciales, logistiques et administratives, les ports bretons n’ayant pas d’agrément communautaire pour l’importation de produits biologiques.

Le voilier-cargo, « révolutionnaire »

Les voiliers construits pour TOWT, transportant 1 000 t de marchandises, sont destinés à naviguer sous voile à plus de 90 % du temps, toutes routes confondues. L’armateur peut de ce fait garantir une réduction des émissions de CO2 de 90 %, et même de 97 % sur les routes maritimes aux vents porteurs. Le tout à une vitesse de 10 nœuds. Pour un transport à la voile, la vitesse est un point fondamental, explique Guillaume Le Grand : « Un nœud de plus en vitesse de croisière, c’est une rotation de plus dans l’année, et donc un meilleur retour sur investissement. Aller plus vite à la voile permet aussi un transport plus décarboné, car cela nous permet de ne pas allumer le moteur. »

Plutôt que des mats-ailes rigides ou des cerfs-volants de traction, TOWT a opté pour un gréement doté de voiles souples. Une solution « classique » pour un voilier ? « Non, c’est révolutionnaire, contrecarre Guillaume Le Grand. Ce qui est classique, c’est le cargo à moteur. Il est intéressant de mettre des kites sur tous les cargos pour économiser un peu de carburant. C’est faisable et cela devrait être généralisé si l’industrie maritime n’était pas si réticente aux risques et aux surcoûts », provoque le dirigeant. 

Un financement innovant

Si l’homme est disert sur les choix techniques ayant présidé à la conception de ses voiliers, il se montre plus discret sur les termes commerciaux et financiers de ses contrats. L’entreprise annonce une soixantaine de chargeurs, mais ne dévoile publiquement qu’un petit nombre d’entre eux. Sur le plan financier, « le lancement des deux constructions neuves a été rendu possible grâce à une levée de fonds auprès de vingt investisseurs », se contente de dire Guillaume Le Grand, ne mentionnant que le groupe IDEC, le fonds suisse Après-Demain SA, et le Crédit Agricole Normandie. Des armateurs et manutentionnaires français, ainsi que des entreprises des secteurs de la distribution et des énergies renouvelables font aussi partie du tour de table mais ne sont pas citées.

Sont en revanche mis en avant des financements présentés comme innovants. Au-delà du crédit-bail, classique pour la construction de navires, TOWT a bénéficié de la garantie interne de Bpifrance, et en cela, de la caution de l’État [à hauteur de 80 %]. L’armateur a aussi été « le premier à bénéficier du suramortissement vert » [financement jusqu'à 40 % des surcoûts liés aux technologies vertes], qui porte sur la partie vélique du navire : mâts, voiles, cordages et accastillage. Il a aussi pu se financer grâce à des certificats d’économie d’énergie liés aux territoires. Enfin, la compagnie a levé 4,5 M€ auprès de 2 000 particuliers, via un financement participatif sur une plateforme d’investissements durable. Un véritable plébiscite populaire, suffisamment rare dans ce secteur méconnu du grand public, pour être signalé. TOWT a donc convaincu et les chargeurs et le grand public. 

Étienne Berrier

Note de la rédaction : Le 8 novembre, Armateurs de France distinguera une entreprise et un acte concret en matière de décarbonation dans le cadre de sa démarche Charte Bleue. Le trophée sera remis à l’occasion des Assises de l’économie de la mer à Lille. Pour que les candidatures, au nombre de huit cette année, ne restent pas à la seule connaissance du jury, la rédaction a choisi de toutes les présenter. TOWT en fait partie.